Le syndrome de dilatation torsion de l’estomac (STDE) – Par les Dr Patrick et Alexis LECOINDRE
Le syndrome de dilatation torsion de l’estomac (STDE) est une urgence médicale et chirurgicale à cause des sévères modifications physiopathologiques qui se produisent pendant la dilatation et la torsion de l’estomac. Ce syndrome s’observe essentiellement chez les chiens de grandes races avec une cavité thoracique profonde (Saint Bernard, Danois, Setter irlandais, Bouvier Bernois, Caniche Royal) mais ce syndrome est également rencontré dans les races de taille plus modeste comme l’Eurasier.
Si la présentation clinique d’un STDE est le plus souvent suraigu, certains chiens peuvent souffrir d’une dilatation chronique en relation avec une perte progressive de la motricité gastrique ou suite à déjà plusieurs dilatations aigües.
Etiologie et physiopathologie
Bien que le syndrome de dilatation torsion de l’estomac soit décrit depuis très longtemps, sa cause n’est pas connue. Cependant, des facteurs de risque ont été identifiés ou suspectés.
Le régime alimentaire, la quantité d’aliments par repas, le comportement après les repas, et l’exercice après les repas sont des facteurs de risque pour le développement d’un syndrome de dilatation torsion.
Chez le chien, une motricité gastrique anormale a été impliquée dans l’étiopathogénie du syndrome dilatation torsion de l’estomac.
Il est probable qu’une dilatation précède la torsion et que de nombreux chiens présentent des dilatations récidivantes sans obligatoirement de torsion.
Le syndrome de dilatation torsion de l’estomac est associé à de profonds changements des fonctions cardio-respiratoire, rénale et gastro-intestinale. Très rapidement le patient se trouve en état de choc qui va entraîner sa mort.
La dilatation de l’estomac entraîne un collapsus des capillaires de l’estomac responsable d’une ischémie grave qui peut aller jusqu’à la nécrose pariétale et la perforation.
Cette ischémie est également importante dans les cas de dilatation chronique et va progressivement entraîner ou aggraver une hypomobilité gastrique par nécrose des fibres musculaires et probablement les cellules nerveuses interstitielles (cellules de Cajal) qui sont responsables du péristaltisme gastrique.
Ces hypomobilités graves et chroniques vont avoir des conséquences cliniques importantes avec des chiens qui présentent des troubles digestifs chroniques, un inconfort important surtout en post-prandial, une perte progressive de l’appétit et un amaigrissement quelquefois sévère.
Diagnostic
Le diagnostic de la dilatation torsion de l’estomac aiguë est généralement fait à partir de l’anamnèse avec la description des symptômes (efforts de vomissements, hypersalivation, état de choc et dilatation avec tympanisme de l’abdomen) par le propriétaire, le signalement et examen clinique du patient. Les radiographies sont rarement nécessaires pour le diagnostic.
Le diagnostic des dilatations chroniques est plus difficile bien que fréquemment les commémoratifs rapportent des antécédents de dilatation aiguë. Ce diagnostic nécessite souvent une exploration de la motricité gastrique et l’utilisation par un examen endoscopique d’autres pathologies gastriques (gastrite, ulcère ou tumeurs) qui peuvent favoriser cette perte de motricité.
Traitement du SDTE Aigu
Dans les phases aiguës de SDTE, le but du traitement médical (fluidothérapie) est de stabiliser le patient pour réaliser dès que possible une décompression de l’estomac.
La décompression de l’estomac est une étape très importante car elle améliore le retour veineux, la ventilation, la perfusion de la paroi de l’estomac et elle réduit la congestion du tractus digestif. Dès la présentation du patient, il est important de connecter le patient à un électrocardiogramme. Vingt-cinq pour cent des chiens avec une dilatation torsion de l’estomac présentent des arythmies.
La décompression est entreprise après l’instauration de la fluidothérapie. Cette décompression peut se réaliser sous endoscopie surtout lors de la dilatation gazeuse mais nécessite souvent un tubage de l’estomac si le contenu gastrique est trop épais pour être aspiré par l’endoscope. La vidange de l’estomac peut être curatrice lors de la dilatation sans torsion.
Le traitement chirurgical est instauré le plus rapidement possible dès confirmation de la torsion de l’estomac pour repositionner l’estomac. Il a été obtenu à différentes reprises que les lésions de l’estomac et que la survie du patient dépendent du temps pendant lequel l’estomac était dans une position anormale.
Traitement préventif : la Gastropexie
La gastopexie est une étape importante dans le traitement chirurgical de la dilatation torsion de l’estomac. La gastropexie consiste à attacher de façon permanente l’antre pylorique sur la paroi droite de la cavité abdominale caudalement par rapport à la dernière côte. La gastropexie réduit le taux de rechute de 75% à moins de 5%.
Une gastropexie préventive est recommandée pour les animaux à risque de développer une dilatation torsion de l’estomac. Les gastropexies préventives peuvent être effectuées sous la laparoscopie.
Mais attention, la gastropexie empêchera la torsion mais pas la dilatation et n’est pas indiquée voire contrindiquée lors de la dilatation chronique associée à une hypomotilité gastrique sévère. Des études ont montré que cette gastropexie pouvait modifier la motricité gastrique.
Traitement des SDTE chroniques
Traitement médical
Après une évaluation sérieuse en particulier endoscopique de l’état de l’estomac et après avoir éliminé des affections gastriques ou extradigestives (endocrinopathies) pouvant être responsables de cette hypomotilité gastrique, un traitement prokinétique doit être instauré en première intention pour restaurer si possible une motricité gastrique et une vidange de l’estomac satisfaisantes. Plusieurs médicaments prokinétiques peuvent être utilisés sur le long terme comme le métoclopramide. Les dérivés de la motiline (anciennement le cisapride mais qui n’est plus disponible et plus récemment le prucalopride) ont montré un intérêt certain dans la rééducation de la motricité gastrique.
Cependant, de nombreux cas d’hypomotilité sont trop graves et surtout réfractaires aux prokinétiques et dans ces cas depuis une vingtaine d’années nous proposons avec succès une gastrectomie.
Gastrectomie
60% de l’estomac peut être enlevé sans conséquences pour le patient. La gastrectomie est alors effectuée avec des agrafes chirurgicales. L’utilisation d’agrafes chirurgicales a permis de réduire la mortalité et la morbidité de cette intervention (10%) car elles permettent une chirurgie plus rapide avec une contamination moins importante de la cavité abdominale.
Quelque soit la technique utilisée, la gastrectomie doit être effectuée dans la zone même et surtout “à froid” en dehors d’une crise aiguë de dilatation afin d’éviter la déhiscence de la gastrectomie en post-opératoire.
Cette chirurgie donne aujourd’hui de très bons résultats après une période d’adaptation qui dure généralement de 10 à 20 jours. Les chiens opérés peuvent alors avoir une nouvelle vie normale et surtout confortable. Cette chirurgie est efficace à condition de respecter ses indications et elle doit être réservée aux cas réfractaires à tous les traitements.
Dr Patrick LECOINDRE, Dr Alexis LECOINDRE
Unité de médecine interne ONLYVET
ONLYVET 7 rue Jean Zay 69800 St Priest
medecine@onlyvet.fr